22/01/2015

#13815 News Tokio Hotel - Itw Rockpalast traduction

Interview Rockpalast - traduction



Ingo Schmoll : Je suis aujourd'hui en chemin vers Los Angeles, pour y rencontrer une moitié du groupe Tokio Hotel : les jumeaux Bill et Tom Kaulitz. Il y a quatre ans, Tokio Hotel ressemblait à ça : [clip de « Automatic »]. 
– Quatre albums qui se sont vendus à 7 millions d'exemplaires selon les informations données par la maison de disque ; un succès international ; une hystérie inimaginable pour un groupe allemand et qui a accompagné les Tokio Hotel depuis leur premier album... Après tout cela, les deux frères ont décidé il y a quatre ans de se réfugier aux Etats-Unis et de disparaître de la surface de la terre. L'autre moitié du groupe, le batteur Gustav et le bassiste Georg, sont restés en Allemagne, mais sont toujours des membres actifs de Tokio Hotel. Début octobre 2014 est paru le nouvel album, « Kings of Suburbia ». Et comme Tokio Hotel a toujours causé de nombreux débats (qu'on les aime ou qu'on les déteste, les points de vue sont toujours virulents), je suis impatient de voir comment va se dérouler notre rencontre.

Ingo Schmoll : Je trouve ça amusant que vous vous soyez installés dans une ville où viennent les gens qui veulent se faire connaître ; vous devez être les seuls qui viennent ici pour se cacher.
Bill : C'est pour ça que c'était l'endroit parfait. Tout ceux qui viennent ici ont beaucoup d'ambition, et chaque serveur de restaurant est en fait un acteur, tout le monde veut faire carrière ; et nous sommes venus pour échapper à notre carrière. Nous avons donc pu facilement nous cacher.
Tom : Je pense que nous sommes un peu considérés comme les “méchants Allemands”, impolis,... Chaque petite célébrité ici essaye d'attirer l'attention sur elle, et téléphone même aux photographes en disant « Je suis dans tel café, venez faire des photos ! » Bill et moi détestons les photographes – ceux qui font des photos de notre vie privée. Et nous essayons de nous cacher.
Bill : C'est très bizarre pour eux, parce que tout le monde ici se vante de son succès et en parle beaucoup, ce que nous ne faisons pas. Quand je me retrouve dans une situation comme celle-là, en général, je mens.
Ingo Schmoll : Et qu'est-ce que tu racontes, alors ?
Bill : Je me demande toujours ce qui pourrait être réaliste en fonction de mon apparence. Souvent, je dis que je suis étudiant. Et une fois, j'ai dit que j'étudiais la photographie, que je voulais devenir photographe, et le gars était très content, il a dit : « Génial, quel est ton appareil photo préféré ? Je suis aussi photographe ! ». Et je me suis dit « Merde ! », je n'en avais aucune idée.
Tom : Dis que ton appareil préféré est l'iPhone6. [rires]
Bill : Quelle lentille, ce genre de choses... Il m'a donné sa carte et m'a dit de passer à son studio si je voulais faire des photos, et m'a demandé quel genre de photos je faisais. J'ai dû tout inventer, je n'avais aucune idée.
Ingo Schmoll : Génial ! [rires] Est-ce que vous vous rappelez encore du jour où vous avez pris la décision de déménager ici ?
Bill : Nous avions déjà regardé les maisons à vendre ici, parce que nous voulions en fait avoir une résidence secondaire, où nous pourrions venir de temps en temps pour nous reposer quand les choses devenaient trop difficiles en Allemagne. Mais nous avons ensuite été victimes d'un cambriolage, à notre vingtième anniversaire, je pense ?
Tom : Oui.
Bill : Notre vingtième anniversaire. Nous étions en voyage, et quand nous sommes revenus, nous avons vu que quelqu'un était entré chez nous et avait tout fouillé. Nous avons alors réfléchi à ce que nous voulions faire. Nous ne pouvions plus rester dans la maison, nous nous sentions comme violés. Des gens étaient entrés chez nous, avaient tout regardé, mes sous-vêtements étaient éparpillés partout, des photos avaient été sorties... Nous vivions un peu à l'extérieur de la ville, presque dans un village.
Tom : Il y avait des dizaines de personnes en permanence devant la maison, c'était sûrement l'une d'entre elles, parce qu'elles savaient que nous étions partis à ce moment-là.
Bill : Et nous avons appelé la police, mais ils n'ont pas beaucoup aidé. Ils semblaient dire « Quand on est célèbre, il faut vivre avec ce genre de choses, et l'assumer. » Et quand j'ai dit que c'était sans doute une des personnes devant notre maison, qu'ils devraient prendre des empreintes,..., ils ont répondu « On n'est pas sur CSI : Miami... » Nous avons alors dû décider quoi faire. Et avant d'acheter une autre maison en Allemagne, de se construire une nouvelle prison dorée dans une autre ville – avec toutes ces personnes qui viendront à nouveau s'installer devant – nous avons décidé de déménager à L.A.
Tom : Nous sommes venus ici avec rien d'autre que nos valises.
Bill : Oui, nous avions chacun environ 8 valises, nos parents sont venus avec, notre famille, nos chiens...
Ingo Schmoll : Votre mère a déménagé ici aussi, c'est ça ?
Tom : Oui, notre mère et notre beau-père nous ont accompagnés. Quelques amis sont venus aussi au début.
Ingo Schmoll : Vous l'avez emmenée pour faire votre lessive ?
Bill : Oui, aussi. [rires] En fait, quand nous sommes avec notre mère, elle veut absolument faire ces choses-là. Elle veut faire la cuisine, laver notre linge,...
Tom : Quand nous vivons seuls, nous devons toujours nous débrouiller, mais quand nous rentrons chez maman, elle insiste pour le faire.

Tom : Nous venons de Magdebourg, 250 000 habitants, donc une petite ville, et nous avons ensuite déménagé dans un village, et c'était horrible. Nous avions environ 10-11 ans, je pense. Nous avions déjà formé notre groupe, et avions déjà un look particulier.
Bill : Nous étions de vrais aliens dans ce village !
Tom : Nos camarades d'école étaient inquiets quand nous arrivions.
Bill : Notre beau-père est souvent venu nous chercher à l'école avec son chien et sa batte de base-ball.
Tom : Il y avait beaucoup de nazis dans ce village.
Bill : Déjà à cette époque, je teignais mes cheveux et je portais du maquillage pour aller à l'école. Certains professeurs refusaient de m'enseigner quoi que ce soit. J'avais un prof de gym qui me disait : « Tu ne peux pas participer au cours de gym des garçons comme ça, tu dois aller dans le groupe des filles. » Cette période était assez horrible. Notre mère était convoquée tous les deux jours à l'école.
Tom : Tu as aussi fait ton premier piercing à 11 ans, non ? Sur le sourcil... Ton premier tatouage à 15 ans, il me semble. Le logo du groupe sur la nuque. Notre mère a toujours bien accepté tout ça. Et nous étions toujours avec des gens plus âgés. C'était difficile de se faire des amis dans le village, et nous étions surtout avec des personnes plus âgées que nous. A 12 ans, nous passions notre temps avec des jeunes de 17-18-19 ans. Et elle acceptait cela, je ne sais pas vraiment pourquoi.
Bill : Nous avons toujours eu une relation très amicale. Elle préférait que nous lui parlions de tout ça, plutôt que de le faire en cachette. Notre mère est aussi très créative ; c'est une artiste, elle fait de la peinture. Notre beau-père faisait de la musique : il jouait de la guitare dans un groupe. Nous avons donc grandi dans un environnement très artistique et créatif. Ça vient peut-être de là.

Bill : Quand tu débutes dans le métier, tu signes tout ce qu'on te propose. A l'époque, nous avons reçu une avance de 10 000€, et nous nous sommes dit : « Mon dieu, je suis la personne la plus riche de Magdebourg ! » [rires] Avant ça, nous avions environ 40€ d'argent de poche...
Ingo Schmoll : J'aurais signé aussi !
Bill : Oui, tu signes vraiment tout.

Ingo Schmoll : On dit toujours que, si on a un grand succès comme le vôtre quand on est très jeune, cela détruit le caractère. Qu'est-ce que vous en pensez ?
Tom : Je ne sais vraiment pas. Beaucoup de gens le disent, c'est vrai, mais ça semble toujours difficile à croire, parce que j'ai l'impression d'être comme avant.
Bill : Nous avons fondé nos propres entreprises, en plus du groupe. Et il faut alors gérer les contrats, les avocats, et tu te retrouves à 15 ans en réunion avec les conseillers fiscaux. Ça implique beaucoup de responsabilités. Ce qui m'a toujours énervé, c'est que nous devions payer des impôts à 15 ans, mais que nous ne pouvions pas encore conduire,... A cet âge-là, tu n'es en fait pas encore un adulte. Et nous devions payer comme les adultes, mais n'avions pas droit à tous les avantages de la vie d'adulte. [rires]

Ingo Schmoll : Vous êtes donc venus ici il y a quatre ans. Et j'ai lu sur Internet, à propos du nouvel album, que vous n'avez rien fait pendant un an. Ça veut dire quoi exactement, ne rien faire pendant un an ? Ça semble intéressant...
Bill : C'est génial ! Nous avons fait tout ce que nous ne pouvions pas faire avant. Nous sommes allés au parc d'attraction, au cinéma (sans devoir louer le cinéma entier),... En Allemagne, ou en Europe, c'était toujours très compliqué quand nous voulions faire quelque chose ; il fallait toujours prévenir quelqu'un. Ici, nous pouvions simplement sortir sans le dire à personne. Normalement, il faut toujours en parler au manager de la tournée, qui appelle la sécurité, qui va ensuite vérifier le lieu où nous voulons aller... Nous ne pouvons rien faire spontanément. Pouvoir organiser sa vie soi-même, sortir sans devoir prévenir un manager et sans avertir personne... C'est ce dont nous avons profité pendant un an, et que nous n'avions pas avant.
Ingo Schmoll : Et avez-vous aussi assimilé tout ce qui vous est arrivé durant les années précédentes ? Vous étiez impliqués à fond dans votre carrière, tout s'enchaînait rapidement, vous avez vécu des choses incroyables, des milliers d'articles ont été écrits sur vous, vous étiez assaillis par les fans... Avez-vous eu le temps de réfléchir à cela davantage que lorsque cela vous arrivait ?
 Bill : Oui, tout à fait. Je pense que c'est lié au fait que nous vivons maintenant ici, et que nous avons vieilli – même si nous sommes encore assez jeunes. Je pense que l'on voit les choses différemment avec du recul. A l'époque, nous avions 16-17-18 ans. Vers la fin, cela m'était complètement égal quel prix nous recevions, et cela ne signifiait plus rien. Tu montes sur la scène, tu remercies les gens, mais ça n'a plus de sens. Puis tu rentres chez toi et tu le poses sur une étagère.
Ingo Schmoll : Même le 1Live Krone que je vous ai donné ? [rires]
Bill : Au début, c'était excitant, mais ensuite tout se fond dans une même masse et cela ne t'intéresse plus vraiment. Sur ma setliste était toujours écrit en très grand le nom de la ville, parce que je ne savais absolument plus où nous étions, quelle langue les gens parlaient,... Et cela n'avait plus une grande importance. Notre excitation avait disparu. Mais nous ne nous sommes pas vraiment rendu compte de ça sur le moment. C'était devenu normal. Mais quand on repense à cela avec du recul, on se dit que c'était quand même génial. Il m'en faut beaucoup pour que je me sente frustré et contrarié, parce que je suis quelqu'un d'assez joyeux. Je perds mon équilibre et devient malheureux quand je me sens trop enfermé. Et dans notre carrière, nous étions libres au niveau créatif, et pouvions dire et faire ce que nous voulions ; mais notre vie était trop organisée, nous devions toujours tout prévoir à l'avance et prévenir les gens quand nous voulions sortir. La liberté et l'autonomie sont des choses très importantes pour moi, et l'ont toujours été, d'ailleurs. Quand je perds ça, et que j'ai l'impression que les gens qui m'entourent veulent me contrôler, je deviens malheureux. Et c'est ce qui nous est arrivé avec notre carrière. Je n'en pouvais plus, je voulais juste m'échapper ; nous ne voulions plus faire ça. Je pense que nous avons appris à équilibrer notre vie. Nous avons besoin d'une vie privée pour pouvoir à nouveau profiter de notre carrière, des tournées, de la promotion. Mais nous avons besoin de pause entre-temps, d'une vie normale.

Ingo Schmoll : Nous sommes sur Carroll Avenue, une rue qui est souvent utilisé comme décor pour des films. Il y a notamment la maison utilisée dans la série télévisée « Charmed », ou la maison du clip « Thriller » de Michael Jackson.
Tom : Génial !
Bill : Ça ne ressemble pas du tout à L.A., ici.
Tom : Oui, c'est assez traditionnel.
Ingo Schmoll : Qu'est-ce que vous faites ici, en ville, en fait ? A part faire la fête, rester chez vous ou travailler ?
Tom : Des choses normales, de la vie de tous les jours. Par exemple se faire tatouer. [rires] On peut faire beaucoup de choses ici, mais ça dépend aussi du quartier dans lequel on vit. Nous avons déménagé déjà trois fois au sein de L.A., et avons donc vécu dans différents quartiers. En général, tu restes souvent dans ton quartier, dans ta bulle. Mais nous passons une grande partie de la journée à la maison. Nous avons un studio chez nous. Quand nous avons travaillé sur l'album, vers la fin, je crois que j'ai passé un mois à la maison, sans sortir. Mais nous sortons beaucoup le soir. Nous mangeons à l'extérieur parce que nous ne faisons pas la cuisine ; donc nous sortons deux fois par jour pour aller manger.
Ingo Schmoll : Vous ne commandez pas quelque chose ?
Tom : Oui, parfois.
Ingo Schmoll : Voilà la maison. Et personne n'habite ici, c'est génial.

Ingo Schmoll : Vous avez grandi entourés par les médias, par des adolescentes hystériques,... Et vous êtes maintenant à un autre moment de votre vie, il y a eu une transition. Vous avez peut-être maintenant un public plus adulte ? Comment est-ce que vous voyez les choses ?
Bill : Je pense que quand on a beaucoup de succès et qu'on se retrouve numéro un des hits-parades, tout ce qu'on fait ensuite est comparé avec les succès précédents, et c'est très difficile d'être à la hauteur des attentes des gens. Tu es alors critiqué en Allemagne si ton album n'atteint que la 2e place, alors que c'est déjà génial ! Beaucoup de personnes pensent aussi que ce qui est pour les adolescents a moins de valeur que le reste. La musique pop souffre aussi de cette réputation, ou même l'électronique ; les gens pensent que c'est plus facile à faire que le vrai rock. C'est l'image que les gens en ont, mais c'est n'importe quoi ! Ce qui nous a toujours énervés par le passé, quand nous étions sur les couvertures de tous les magazines, c'est que notre vie privée avait plus d'importance que la musique que nous faisions. C'est aussi une des raisons pour lesquelles nous avons fait cette pause : nous voulions que l'attention revienne sur notre musique. C'est pour ça que nous voulons rester discrets au sujet de notre vie privée.
Tom : Ça m'énervait aussi de voir que, très souvent, les gens ne connaissaient même pas nos chansons mais nous critiquaient en disant « C'est Tokio Hotel... » Par exemple, nos chansons ne sont jamais passées à la radio, nulle part. Le problème avec la radio, c'est que si tu suscites un peu un débat, ils ne te diffuseront pas... Et j'ai toujours voulu passer à la radio, parce que c'est comme ça que tu te fais connaître. Les gens peuvent écouter ta musique sans avoir à acheter l'album. Tu peux alors atteindre un public plus vaste, et des gens qui n'écouteraient peut-être pas Tokio Hotel autrement. Et je suis très heureux qu'on ait enfin réussi ça avec cet album ! Pour la première fois, j'ai entendu une de nos chansons à la radio !

Ingo Schmoll : Est-ce qu'il y a certaines choses que les gens pensent de vous mais qui sont en fait totalement fausses ?
Bill : Je crois que la plupart des gens pensent que nous avons tout calculé et planifié. J'ai souvent lu des choses au sujet de la « machinerie derrière Tokio Hotel », et ça me fait rire parce que nous étions en fait tous seuls.
Ingo Schmoll : Vous êtes des maniaques du contrôle !
Tom : Nous avons sans doute la pire « machinerie » qui existe. [rires]
Bill : Tout le monde pense que tout cela a été prévu, mais à l'époque, nous n'avions même pas de manager. Nous nous sommes simplement lancés, et « Monsun » a eu du succès ; mais nos producteurs n'avaient pas de projets. Nous n'avions pas de manager ; celui qui a endossé ce rôle faisait quelque chose de complètement différent avant, il n'avait encore jamais fait le management d'un groupe de musique, il ne savait pas du tout comment faire. Aucun de nous n'avait de projet précis, nous étions tous des débutants. Les producteurs qui nous ont pris en charge avaient eu un ou deux hits avec d'autres personnes, dans un tout autre genre musical. Rien n'était prévu, c'est arrivé par hasard. Et je suis persuadé, encore aujourd'hui, que l'on ne peut pas prévoir le succès. On ne peut pas aller en studio pour écrire un hit, on peut juste essayer de faire les choses le mieux possible, et être passionné, aimer ce que l'on fait ; et alors le succès arrive.
Ingo Schmoll : Combien de personnes compte votre « équipe » ?
Bill : Ça dépend toujours de ce qu'on fait. Par exemple, quand nous sommes en tournée de promotion (pour les émissions de télévision,...), nous avons trois membres de la sécurité qui voyagent avec nous, un assistant, une personne responsable des relations publiques...
Ingo Schmoll : Et que fait l'assistant ?
Bill : Il était aussi avec nous aujourd'hui, en fait.
Tom : Il nous accompagne tout le temps.
Bill : Il est toujours avec nous, il s'occupe de tout ce pour quoi nous n'avons pas le temps.
Tom : Sa tâche principale est de nous faire gagner du temps.
Bill : Il fait tout de A à Z. Il répond aux e-mails, au téléphone, il sort parfois nos chiens, il commande notre petit-déjeuner, notre café,... Il s'assure que notre journée se déroule correctement, sans que nous ne devions nous préoccuper de la voiture, du chauffeur, de nos valises... Il planifie vraiment toute la journée, pour que nous puissions faire sereinement notre travail.
Tom : C'est vraiment un travail très difficile, parce que la relation devient très privée.
Bill : Il y a cette blague un peu méchante que les assistants ont une date d'expiration.
Tom : Je pense que c'est assez difficile de s'occuper de nous.
Ingo Schmoll : Je confirme. [rires]
Bill : Beaucoup de gens disent que c'est très compliqué, et les moyens de communication ne sont pas toujours pratiques.
Tom : Il y a beaucoup d'artistes très connus aujourd'hui qui sont vraiment désespérés et qui font absolument tout – et cela a changé durant les cinq dernières années. La maison de disque leur demande quelque chose et ils acceptent tout. Et c'est un peu comme quand deux stations-service sont situées en face l'une de l'autre : si une des deux baisse ses prix, l'autre doit le faire aussi. Donc si nous refusons de faire quelque chose, nous sommes vus comme les artistes chiants, compliqués, qui ne veulent pas faire ceci ou cela, qui ont telle ou telle exigence...
Bill : Tu arrives parfois sur le plateau d'une émission un peu bête, et on te dit : « Vous devez faire ce jeu, et vous jeter ça ou ça dans la figure ». Et si tu réponds que tu ne veux pas faire ça, on te dit : « Mais Katy Perry l'a fait, et plein d'autres célébrités... » Donc si tu refuses, tu es l'artiste compliqué et exigeant... C'est vraiment difficile. Et ça a beaucoup changé depuis une dizaine d'années. A l'époque, nous avons fait beaucoup de séances photos pour des magazines, et c'était toujours une production immense, avec des tas de gens. Et aujourd'hui, on nous demande : « Est-ce que Bill peut nous envoyer un selfie ? » [rires]

Tom : Nous avons travaillé ici pour une partie de l'album. C'est un bâtiment incroyable, il y a une salle de théâtre à l'étage, avec une acoustique géniale, où on peut enregistrer de chouettes choses au piano.
Bill : C'est encore un véritable studio, ici.
Tom : Oui, c'est vrai. Aujourd'hui, on peut faire presque tout chez soi, ou même sur la route, et c'est quelque chose que je trouve génial, et que nous faisons aussi. Mais ici, c'est encore un studio où l'on peut venir avec le groupe et enregistrer ensemble.
Ingo Schmoll : « The Village ». J'ai lu que vous aviez vendu 7 millions d'albums – vous n'avez sans doute pas vérifié vous-même ce chiffre ?
Tom : Non, c'est la maison de disque qui donne ces chiffres. Je ne sais pas s'ils correspondent à la réalité, d'ailleurs ; ils exagèrent toujours. [rires]
Ingo Schmoll : Mais c'est sûrement dans ces eaux-là. Quand on vend tellement de disques, gagne-t-on assez d'argent pour être à l'abri du besoin ?
Bill : Non, pas vraiment. En fait, ça dépend aussi de la manière dont on veut vivre. Notre beau-père a toujours dit : « Je ferais ça pendant un an, puis je n'aurais plus besoin de travailler pour le restant de mes jours, j'aurais assez d'argent pour m'installer quelque part avec ma guitare, construire un studio, et voyager à travers le pays ! » Ça dépend donc vraiment de ce qu'on veut faire, et des limites que l'on se donne. Je n'ai jamais réfléchi à la somme que je voudrais avoir sur mon compte pour décider d'arrêter et de ne plus travailler.
Tom : En fait, on ne gagne presque rien avec les albums. Durant notre carrière, ce sont les albums qui nous ont rapporté le moins.
Ingo Schmoll : Ce sont donc les concerts live qui rapportent de l'argent ?
Tom : Exactement. Les maisons de disque font d'ailleurs de plus en plus des accords à 360°, en tout cas ici aux Etats-Unis, je ne sais pas exactement comment ça se passe en Allemagne.
Ingo Schmoll : Tu pourrais expliquer ce que c'est ?
Tom : Dans les accords à 360°, les maisons de disque gagnent aussi de l'argent grâce aux tournées, au merchandising,... Et aujourd'hui, beaucoup de gens font les choses de manière indépendante, ce que je trouve très intéressant aussi.
Bill : Les indépendants gagnent le plus d'argent, aujourd'hui. De moins en moins de gens signent des contrats avec de grandes maisons internationales. Ils font plutôt les choses eux-mêmes, avec leur label indépendant. C'est l'avenir ! Nous en avons déjà parlé avec notre maison de disque. Honnêtement, je ne sais pas combien de temps ces grandes entreprises vont encore exister.

Ingo Schmoll : Ce studio célèbre a connu son âge d'or dans les années '60, '70 et '80. Des artistes comme Fleetwood Mac, Tom Petty, Talking Heads, Bob Dylan, John Lennon, Madonna ou encore Aerosmith, le groupe préféré de Bill et Tom, ont enregistré ici des albums légendaires.

Ingo Schmoll : Vous avez eu une enfance assez inhabituelle ; et votre mère était très jeune quand elle vous a eus... Quelle est votre image de la famille ? Est-ce que vous pensez à fonder vous-même une famille ? Ou est-ce quelque chose auquel vous ne réfléchissez pas encore ?
Tom : Ça commence à devenir un sujet de conversation au sein du groupe, puisque nous arrivons à l'âge où on se pose ces questions. Et c'est vraiment bizarre...
Bill : Quand nous sommes avec Georg ou Gustav et que nous parlons de mariage, d'enfants, ce genre de choses, ça me fait toujours bizarre, parce que j'ai l'impression que nous sommes encore des ados de treize ans à Magdebourg.
Tom : Le plus drôle, c'est qu'avant, je me sentais toujours très adulte, mais au plus je grandis, au plus je me sens jeune. J'ai l'impression de ne pas encore avoir l'âge de pouvoir boire de l'alcool, donc le mariage et les enfants, ça me semble très loin. Mais on a quand même ce genre de conversations, parce que c'est de notre âge.
Bill : Nous avons des anciens amis, avec qui nous allions à l'école, qui terminent leurs études, qui commencent à travailler...
Ingo Schmoll : Un parcours très classique.
Bill : Oui, exactement. Ils fondent une famille, achètent une maison... Et c'est un parcours de vie normal. Mais je n'en suis pas encore là ; m'occuper de moi-même est déjà assez difficile, je ne pourrais pas être en plus responsable d'un enfant. Mon chien me suffit, pour le moment.
Ingo Schmoll : La plupart des gens éprouvent en une vie moins que tout ce que vous avez déjà vécu à 25 ans. Je trouve ça incroyable !
Tom : Oui, c'est vraiment incroyable ! Mais je le ressens un peu plus que Bill. Il revient parfois d'une sortie avec un groupe de gens qu'il ne connait pas, et où tout le monde parle de soi-même, et il me dit : « Je ne sais pas quoi dire quand les gens me posent des questions. Je n'ai pas encore vécu grand-chose. » Et je lui réponds : « Mais tu as vécu dix fois plus de choses que ces gens ! » « Oui, mais ils parlent tous de leur famille, leurs enfants,... » Et c'est vrai qu'on oublie parfois tout ce qu'on a fait – surtout quand on fait une longue pause. On oublie où on a été, ce qu'il s'est passé, ce qu'on a vécu... On n'a pas toujours l'impression de vivre tellement de choses, mais quand on y réfléchit, c'est vrai que c'est incroyable.
Bill : Je m'en rends vraiment compte quand nous retournons dans notre ancienne vie. Récemment, lors d'une visite à notre famille, Tom et moi sommes retournés là où nous avons grandi, sur les routes où nous avons joué. Et je me suis vraiment rendu compte de ce que nous avons vécu depuis que nous avons quitté cet endroit. J'ai l'impression que des millions d'années se sont écoulées.
Tom : On pourrait penser, comme nous avons déjà vécu tellement de choses à seulement 25 ans, que cela nous enlève un peu la pression, mais ce n'est pas le cas. J'aimerais pouvoir me mettre moins la pression, être un peu plus détendu, me dire « c'est bon, on a déjà réussi ça et ça... », mais je n'y arrive pas.

Ingo Schmoll : C'était une journée très intéressante avec Bill et Tom, et ils ont contredit certains préjugés que l'on peut avoir à leur sujet. Tokio Hotel va revenir en tournée en Allemagne cette année, et j'ai hâte de voir si les anciens fans seront encore présents aux concerts, quatre ans après, ou s'ils en attireront de nouveaux.

Traduction par *Elena* pour le FC Officiel français

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